crit space

Crit space, mixed media installation, New York ( english version below )

Création par le lieu et pour le lieu pour en devenir un nouveau. Crit space est une salle ouverte, un lieu de passage, souvent occupé, et on y retrouve des objets entreposés, en attente d'être jetés ou amenés ailleurs. Cette installation découle d'une observation antérieure du lieu, des spécificités et particularités de cet espace. J'ai décidé d'appréhender ce lieu tel qu'il s'offrait à moi.

Ma démarche consiste à m'approprier le lieu, à l'investir à un moment donné, un jour J, à un moment précis, en prenant en compte les contraintes d'espace, de matériaux et de temps. Grâce à la photographie réalisée in situ, à la lumière et à l'agencement des objets non-artistiques, à priori banals, le spectateur est invité à redécouvrir, à percevoir différemment cette salle. Les objets changent de statut et font partie intégrante de l'oeuvre, oeuvre générée notamment par leur présence ici-même au préalable. Faire entrer des objets tels quels dans l'installation les fait devenir composants principaux de l'oeuvre. Il en résulte une sorte d'ambiguité quant à leur statut artistique ou non. 

Ces « ready mades » sont promus comme artistiques par le seul choix de l'artiste. Ambiguité que l'on retrouve aussi dans le contraste entre la lumière et l'obscurité. Les éléments volontairement laissés dans l'obscurité, en retrait se révèlent de par la négation de leur présence. La projection sur le mur invite le spectateur à se questionner sur le lieu représenté, ainsi que le lieu en lui même. La forte texture du mur en modifie l'image et la renforce. La photographie prend de la matérialité et s’intègre dans le lieu, à son échelle. L'acte artistique se trouve autant dans le processus de construction que dans l'installation finale. C'est une sorte de processus performatif ; processus de mise en scène, mise en espace, mise en lumière. La seule trace de cette intervention éphémère, de cette transformation momentanée réside dans une documentation photographique. 

Cette installation tente de créer une tension subtile générale, un jeu entre les matériaux et l'espace. 

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Creation by the place and for the place to become a new one. Crit space is an open room, a place of passage, often occupied, and there are objects stored, waiting to be thrown away or arranged elsewhere. This installation results from an earlier observation of the place and its peculiarities. I decided to apprehend this place as it was offered to me. 

My approach is to take ownership of the place, to invest at a given moment, a D-day, at a specific time, taking into account the constraints of space, materials and time. Thanks to the photography realized in situ, to the light and the arrangement of the non-artistic objects, to banal a priori, the spectator is invited to rediscover, to perceive differently this room. The objects change their status and become an integral part of the work, a work generated in particular by their presence here. Entering objects as they are in the installation makes them become major components of the work. This it results in a kind of ambiguity as to their artistic status or not. 

These "ready mades" are promoted as artistic by the only choice of the artist. Ambiguity that is also found in the contrast between light and darkness. The elements voluntarily left in the dark, withdrawn are revealed by the negation of their presence. The projection on the wall invites the viewer to question the place represented, as well as the place itself. The strong texture of the wall modifies the image and strengthens it. Photography takes on materiality and integrates into the place, on its scale. The artistic act is as much in the process of construction as in the final installation. It Is a kind of performative process; staging process, setting in space, lighting. The only trace of this ephemeral intervention, of this momentary transformation, lies in a photographic documentation. 

This installation tries to create a general subtle tension, a game between materials and space.

minimalist variations

minimalist variation of 1st march ( english version below )

Artiste plasticienne et photographe, mes expérimentations plastiques sont souvent réalisées in situ sous forme d'installations mêlant photographie, architecture, lumière et objets divers : objets non-choisis mais faisant partie du lieu dans lequel j'interviens ; objets comme des ready-made avec lesquels je compose pour transformer la perception du spectateur face au lieu. Minimalist variations of 1st march est une série de photographies prises le jour indiqué par le titre de l'exposition. Chaque espace est singulier, contient ses propres spécificités, et les variations perceptibles sont infinies. Il s'agit ici de rendre compte de variations de lumière, d'ombres, dues à l'architecture un jour J durant un instant T. 

En effet, l'oeuvre, l'objet fini n'est qu'une forme matérielle existante à un instant T dans un espace précis ; forme qui se retrouve éloignée d'une idée secouée, mise en tension et renversée par nos expériences sensorielles face à soi-même et face à l'espace dans lequel on se trouve. Un soi-même et un monde en mouvement permanent. En commençant à réaliser mes installations in situ, je suis partie d'un souci d'ancrage dans un réel, un lieu fait d'éléments concrets perceptibles de façon égale par tous. Je pourrais qualifier mes créations d' « interventions » car à partir du moment où je suis là et crée une forme concrète, l'espace premier constitue déjà la base, le support, le déclencheur d'une expérience empirique. Je ne suis qu'une intervenante dans ce lieu qui me pré-existe. Bien que certaines idées me viennent en amont de l'expérience, il s'avère que celles-ci se modifient en faisant l'expérience du lieu.

 L'oeuvre est tout ce processus composé de : mes perceptions sensorielles (l'observation surtout en tant que photographe) de l'espace premier dans une volonté d'analyse factuelle ; mon intervention physique empirique dans cet espace choisi ; l'apparition d'un nouvel espace, l'espace second. Dans minimalist variations of 1st march, la série de photographies ouvre une brèche, invite le spectateur à observer l'espace qui l'entoure, tout en l'absorbant face à la contemplation de ces images abstraites. Abstrait comme abstraire, prélever. J'ai prélevé des morceaux réels du lieu d'exposition. Le flou maintient l'indéfinissable, pourtant les photos représentent ce qui est présent tout en donnant un côté très pictural aux images. La texture du papier choisi les rapproche du dessin. Ces deux espaces ( le lieu pré-existant, l'espace premier et l'espace abstrait, le second qu'ouvrent les images ) doivent s'équilibrer, se respecter, se légitimer mutuellement. Le second n'existerait pas sans le premier et vice-versa. Ces interventions sont des dépassements, des glissements, des transformations non-préméditées ( de formes et/ou de sens) qui n'arrivent qu'au moment de l'expérience. 

 Le spectateur se retrouve devant le résultat d'une action, d'un processus d'expérience empirique qui l'ouvre à son tour à une toute autre expérience du lieu et de lui-même face à ce lieu. J'essaie de trouver le juste équilibre entre cet espace premier qui doit continuer d'exister malgré l'apparition de cet espace second au moment de la création. Espace premier ou espace négatif / espace second ou espace positif. Mon « challenge créatif » impliquant les contraintes d'espace, de temps et de formes se situe dans la volonté d'expérimenter et de respecter ce réel pré-existant. Très influencée par les artistes du minimalisme américains, mon travail s'appuie sur des notions de neutralité et de simplicité rejetant toute narration. Mon œuvre se concentre sur l'attitude que j'adopte face au processus de création. Le processus est important dans mon travail et ne doit pas être caché. 

 Ces photographies montrent ce qu'on ne voit pas, de simples variations entre lumière, ombres et architecture ; spécificités que l'espace nous donne. Le mot variation n'est pas anodin. Il fait référence également en musique, à la notion de rythme et de respiration, deux concepts importants à prendre en compte dans l'agencement des œuvres et dans l'accrochage final. L'emplacement des œuvres a été pensé de sorte à ce que chaque image se trouve proche de l'endroit où la photo à été prise. Comme une sorte d'illustration indirecte, en plusieurs temps de réflexion de l'image qu'on a sous les yeux et son rapport avec l'espace environnant. L'expérience subjective de celles-ci est rythmée visuellement.  

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"minimalist variations of 1st march pourrait se résumer par quelques mots : l'espace – le vide – la lumière – c'est tout. 

 La pluie tombait ce 1er mars. Il fallait faire vite pour pénétrer l'espace afin d'y capter quelques fragments – variations, instantanés figés d'une future composition en cours. « - Donnez–moi un espace quelconque, un vide et je me fais fi de le remplir. De lumière. » dit-elle.

Le vide, le rien attirent, apaisent, nettoient, éclaircissent l'univers, si encombré. Ne reste alors que l'envie de faire place nette, d'aller vers l'essentiel, vers le « rien absolu », rien d'autre que la lumière. On s'en rapproche et l'on fait des découvertes : des nuances infimes, telles des variations musicales autour d'un thème central. 

Je devine alors un désir impérieux, une évidence-urgence de fixer ce qui passe vite, ce qui échappe, en figer les moments fugitifs. Rendre compte non pas de la réalité, mais du réel. Objectif/subjectif – jeu de mots, pourrait-on dire philosophico-photographique, qui fait passerelle entre extériorité et intériorité. Façon de concevoir le travail de l'artiste-photographe. 

Car il est bien question de labeur, de chantier – dont on pénètre la mise en scène – de la pensée. Le chantier désigne le cheminement, l'acheminement plutôt de l'artiste, quête sans fin, processus jamais achevé, accompagné de prise de risques avec le boîtier collé à l'oeil en guise de seul casque de protection. Et quand le chantier fait une pause, demeure l'aide unique de l'éclairagiste qui met en scène, par touches légères, ces moments d'abandon provisoire, éphémère, d'une construction vivante, d'une transition vibrante. Quête d'un équilibre « absolu » - entre deux états, deux étapes – c'est ainsi que je qualifierai mes impressions sur le travail de cette jeune artiste. "

Elena Tabakova, écrivaine 

ENGLISH

minimalist variations of 1st march could be summed up in a few words: space - emptiness - light - that's all. 

 It was raining on March 1st. Moving quickly was the only way to penetrate the space in order to capture some fragments - variations, frozen snapshots of a future composition in progress. " - Give me any space, an emptiness and I will fill it. With light "she said. 

Emptiness, nothingness attract, sooth, cleanse, brighten our so crowded universe. All that remains then is the desire to make a clean place, to go towards the essential, towards the "absolute nothing", nothing but light. While I got closer to that goal, I made discoveries: tiny nuances, such as musical variations around a central theme. 

I then felt a compelling desire, an evidence-urgency to fix what passes quickly, what escapes, to freeze its fleeting moments. To report not on reality, but what is truly real Objective/subjective - a play on words, one could say philosophical-photographic, that bridges the gap between exteriority and interiority. How to conceive the work of the artist-photographer. 

For it is indeed a question of hard work, of a kind of construction site - the staging of which is revealed - of thought. The construction site embodies the artist's journey, or rather the artist's route, an endless quest, a never-ending process, which carries the risk of having a box glued to the eye as the only protective helmet. And when the site is put on pause, the lighting designer remains the sole helper, who stages, with light touches, these moments of temporary, ephemeral abandonment, of a living construction, of a vibrant transition. Quest for an "absolute" balance - between two states, two stages - this is how I would describe my impressions of this young artist's work. 

Elena Tabakova, writer